Quel rôle pour la France et l’Allemagne en Europe ?
Quel rôle pour la France et l’Allemagne en Europe ?: Vous avez dit leadership ? Une voix de Malte
17 avril 2024
Pour Malte, il n’y a pas d’alternative au moteur franco-allemand, explique Daniel Fiott dans le 7ème épisode de notre cycle « Vous avez dit leadership ? ». En tant qu’État insulaire particulièrement sensible aux intérêts des pays à la périphérie de l’Europe, Malte occupe une position clé en termes de sécurité et de stabilité. Paris et Berlin feraient bien de ne pas la perdre de vue.
Malte entretient des relations étroites à la fois avec l’Allemagne et la France, même si le point d’articulation de sa politique européenne se situe plutôt au le sud de l’Europe. Cela inclut notamment les questions en lien avec les phénomènes migratoires et les procédures d’asile, l’élargissement de l’UE, la stabilité au Proche-Orient, le changement climatique. Plus petit État de l’UE (519 000 habitants), Malte a appris à être pragmatique et concède au tandem franco-allemand le rôle de leader dans de nombreux domaines. Malte est certes neutre, cela ne l’empêche pas pour autant de jouer un rôle constructif dans la politique européenne de sécurité et de défense, sur la base de sa situation géographique, de ses ressources et des limites que lui impose son statut de neutre. Cela fait de ce petit État insulaire à la périphérie de l’Europe un acteur incontournable.
Guerre et neutralité
Indépendamment des divergences d’opinion avec la France et l’Allemagne concernant l’introduction de la majorité qualifiée, Malte attend des deux pays qu’ils jouent un rôle moteur en Europe : aucune autre alternative n’est actuellement en vue. Même si le pays est neutre (depuis 1987), il ne cherche pas pour autant à bloquer les livraisons d’armes à destination de l’Ukraine. Il s’oppose par contre à une attitude trop belliqueuse vis-à-vis de la Russie, comme on a pu à nouveau le constater récemment lorsqu’elle Emmanuel Macron a évoqué la possibilité d’envoyer des trouves au sol en Ukraine. C’est la raison pour laquelle le gouvernement maltais cherche en parallèle à faciliter l’émergence de solutions diplomatiques dans le cadre de l’OSCE, dont il assure la Présidence en 2024, et est ouvert à l’organisation de grandes conférences internationales. Dernier exemple en date : la réunion internationale sur l’Ukraine qui s’est déroulée le 28 octobre dernier en présence de 65 pays. Au centre des discussions : la « formule de paix » de Zelensky et les moyens de mettre fin à la guerre.
Israël : sur la même ligne
L’escalade récente du conflit au Proche-Orient a conduit à un renforcement de la coopération entre Malte, la France et l’Allemagne. Depuis le 1er janvier 2023, Malte est par ailleurs membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, ce qui lui permet d’œuvrer en faveur d’une résolution du conflit entre Israël et le Hamas.
Sa position sur ce point est identique à celle de la France et de l’Allemagne : Malte condamne fermement les attaques perpétrées par le Hamas depuis le 7 octobre dernier, maintient qu’Israël a le droit de se défendre dans le cadre donné par le droit international et milite en faveur d’une reconnaissance de l’État de Palestine, une solution à deux États étant pour lui aussi la condition préalable à une paix durable. Là encore, La Valette part du principe que Paris et Berlin sont incontournables pour élaborer une réponse commune à la crise et apporter une aide humanitaire aux Palestiniens.
Le défi de la Méditerranée
En Afrique du Nord et dans le bassin méditerranéen, Malte attend de la France qu’elle soit aux avant-postes. Avec la Croatie, Chypre, la Grèce, l’Italie, le Portugal, la Slovénie et l’Espagne, tous deux appartiennent du reste au groupe dit « EuroMed 9 ». Malte soutient dans ce cadre les initiatives de Paris ayant trait aux phénomènes migratoires, au changement climatique et à l’approvisionnement énergétique.
L’immigration est un défi qu’aucun pays ne peut relever seul. Sur ce point, il est capital que Malte puisse également s’appuyer sur l’Allemagne. Il en va de même pour la résolution du conflit en Libye et la stabilité de la Tunisie (en partenariat étroit avec l’Italie).
Face aux défis sécuritaires croissants auxquels l’Europe est confrontée tout autour de ses frontières, Malte mise en premier lieu sur Paris et Berlin. Pragmatique, le pays a accepté depuis longtemps le rôle prééminent des deux capitales. Malte est certes un petit pays aux ressources limitées et aux marges de manœuvre extrêmement contraintes, néanmoins : sa neutralité et son autorité morale lui permettent aujourd’hui de jouer un rôle important en tant que médiateur. Enfin, en tant qu’État insulaire avec une forte sensibilité pour les préoccupations des pays à la périphérie de l’Europe, le pays peut apporter une contribution importante à la mise en œuvre de la Boussole stratégique de l’UE. Dans le contexte actuel, Paris et Berlin feraient bien de ne pas le perdre de vue.
L’auteur
Daniel Fiott est directeur du programme « Défense et culture étatique » au Centre pour la sécurité, la diplomatie et la stratégie (CSDS) de la Vrije Universiteit Brussel (VUB). Il est également membre non-résident du Real Institute Elcano à Madrid. Daniel Fiott a fait ses études à l’Université de Cambridge et a obtenu son doctorat à la VUB. . De 2016 à 2022, il a été rédacteur pour les questions de sécurité et de défense à l’Institut d’études de sécurité de l’UE (EUISS), puis professeur invité à l’Université du Kent.
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