Trains de nuit
De retour en Europe
Tombés en désuétude au milieu des années 90 avec l’envolée des vols low cost, les trains de nuit font leur retour en Europe. Nouvelles liaisons, nouveaux wagons, les entreprises ferroviaires sortent le grand jeu pour attirer les voyageurs.
Pionnier de cette renaissance,les chemins de fer autrichiens (Österreichische Bundesbahnen / ÖBB) ont lancé fin 2016 leur marque de train de nuit Nightjet en rachetant une quarantaine de wagons à l’entreprise ferroviaire allemande Deutsche Bahn qui avait cessé l’activité de ses City Night Line en 2015, faute de rentabilité. En 2018, les Nightjet représentaient entre 15 et 20 % du chiffre d’affaires de la ÖBB avec pas moins de 1,4 million de voyageurs annuels.
Voyage au bout de la nuit
Aujourd’hui, les trains de nuits autrichiens proposent de nombreuses liaisons vers l’Allemagne, l’Italie, la Belgique, la Suisse ou encore les Pays-Bas. Depuis décembre 2021, la France a rejoint la liste des destinations dans le cadre d’une collaboration entre la ÖBB, la Deutsche Bahn, les Chemins de fer fédéraux suisses (CFF) et la SNCF. Initiée en 2020, elle prévoit le lancement d’un Paris-Berlin fin 2023 et d’un Zurich-Barcelone en 2024. À terme, ce nouveau réseau de trains de nuit devrait permettre de relier pas moins de 13 grandes villes européennes.
Parallèlement à ces nouvelles offres de voyage, les trains de nuit se modernisent pour proposer toujours plus de confort. En collaboration avec la Deutsche Bahn, la ÖBB a présenté en juillet 2022 ses 22 nouvelles voitures-lits : plus spacieuses, équipées du WiFi, de prises pour recharger son téléphone et de lampes à luminosité modulable, elles ont été repensées pour permettre de ranger vélos et poussettes. L’accès y est également facilité pour les personnes à mobilité réduite. Disponibles à bord des Nightjet, « elles devraient permettre de doubler le nombre de voyageurs d’ici 2026 » a déclaré Sabine Stock qui préside la section Voyageurs d’ÖBB.
Vers une Europe du rail
En 2021, l’Union européenne célébrait « L’Année du rail », une initiative qui avait pour objectif de promouvoir le transport ferroviaire et le développement d’une mobilité verte et durable dans le cadre de l’objectif neutralité climatique fixé par le Pacte vert pour l’horizon 2050. En effet, le secteur ferroviaire représente moins de 0,5 % des émissions de gaz à effet de serre liés au Transport, mais peine encore à attirer les foules avec seulement 7 % de voyageurs.
Engagée de longue date dans le retour des trains de nuit, la présidente de la commission des transports et du tourisme au Parlement européen (TRAN), Karima Delli, espère faire bouger les lignes. À l’origine d’une pétition demandant la relance du Paris-Bruxelles-Berlin ayant recueilli plus de 12.000 signatures, l’eurodéputée écologiste se réjouit de prendre part à la « création du premier réseau européen de trains de nuit, l’une des solutions de déplacements internationaux les plus écologiques », comme elle le confiait à Slate.fr.
Un avis partagé parMatthias Gastel, porte-parole des Verts en matière de politique ferroviaire au Bundestag estimant que « l’Allemagne a un avantage géographique pour jouer un rôle de premier plan. » Par ailleurs, le député appelle de ses vœux la création d’un véritable réseau de prestataires européens.
Le train, encore trop cher
Reste à savoir si ce retour des trains de nuit attirera les voyageurs. De plus en plus soucieux de réduire leur empreinte carbone, de nombreux Européens font d’ores et déjà le choix du rail : en 2021 ils étaient 25 millions de Français a avoir opté pour ce mode de transport pour leurs vacances. D’après une étude YouGov réalisés cette même année auprès de plusieurs pays (Allemagne, Pologne, France, Espagne et Pays-Bas), une grande majorité des sondés (69 %) se dit prête à tenter l’expérience train de nuit. Mais 73 % d’entre eux estiment que sur une même destination, le transport ferroviaire devrait être plus économique que l’aérien ce qui est encore loin d’être le cas.
En effet, c’est peut-être là que le bât blesse. Face aux prix compétitifs de l’aérien, aux péages et au manque d’harmonisation du rail à l’échelle européenne, l’offre ferroviaire peine encore à être concurrentielle. « Ce n’est donc pas le train qui est trop cher, c’est l’avion qui ne l’est pas assez » estimait en décembre 2021 le PDG de la SNCF Jean-Pierre Farandou. Déplorant l’absence de taxe sur le kérosène, il réclamait «un élargissement de la fiscalité carbone à l’ensemble de l’activité de transport. » Une déclaration qui n’avait alors pas manqué de susciter la polémique bien avant que la guerre en Ukraine ne fasse s’envoler le prix des hydrocarbures.