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Coopération franco-allemande

Forum pour l’avenir franco-allemand : aux décideurs politiques de jouer maintenant

Birgit Holzer

© Forum pour l'avenir franco-allemand

7 novembre 2023

Le Traité d’Aix-la-Chapelle du 22 janvier 2019 a posé les jalons d’une nouvelle plateforme de coopération bilatérale au service des communes : le Forum pour l’avenir franco-allemand. Retour sur le dernier cycle de travail avec Birgit Holzer.

Dernière ligne droite avant publication : c’est le moment des ultimes corrections, compléments, reformulations – le tout en version bilingue. Des femmes et des hommes de tous âges sont penchés au-dessus de plusieurs tables jonchées de notes. Ces notes portent des annotations conformément au principe d’expérimentation. Les communes peuvent en faire usage pour tester de nouvelles modalités – par exemple les pistes cyclables « pop-up » nées, notamment, durant la pandémie. « Il faut supprimer l’exigence de preuve de situation dangereuse simple/qualifiée inscrite au Code allemand de la route. Elle est contraire au principe d’expérimentation », lit-on sur un papier. Sur un autre : « Article 3 du Code allemand de la construction : Solutions alternatives en droit de la construction pour les bâtiments temporaires ». Les ZAD – « zones à défendre » françaises – sont définies comme des lieux permettant « de repenser le rapport à un territoire ».

Des « recommandations » destinées aux communes françaises et allemandes

On s’aperçoit vite que les auteurs s’intéressent quotidiennement à l’utilisation ainsi qu’à la répartition de l’espace public et aux règles et paragraphes de loi afférentes. Ils travaillent dans des ministères, des administrations communales, la recherche, pour des entreprises spécialisées dans la mobilité ou l’urbanisme, ou encore s’engagent au sein d’initiatives citoyennes. Leurs connaissances et expériences constituent la base des recommandations destinées aux décideurs politiques des deux pays. La question centrale est de déterminer comment les communes françaises et allemandes peuvent affronter l’avenir et se développer durablement, et comment accélérer les processus de transformation.

Le cycle de travail en cours, le troisième, aborde le développement urbain durable en matière de mobilité, de surfaces urbaines libres, de participation et de verdissage urbain. « Espaces de résonance » : ainsi sont désignées les rencontres de ces 40 participants français et allemands. L’expression fait référence à l’esprit dans lequel sont menés les débats. La première rencontre du printemps à Munich a été suivie de rencontres virtuelles en groupes, puis d’une rencontre à Lyon.

Dernier peaufinage avant restitution

© Birgit Holzer

Lors d’une table ronde, les débats concernant la responsabilité concrète de la mise en œuvre du verdissage et des espaces libres dans une commune vont bon train, alors que les mesures proprement dites ont déjà été entérinées. « Est-ce la mairie qui s’en occupe ? Y a-t-il un appel d’offres ? Qui est responsable ? », demande un jeune employé de l’administration communale de Marbourg. « Ces questions nécessitent impérativement clarification afin que l’idée de départ ne reste pas lettre morte. »

Actuellement, les recommandations en sont encore au stade du dernier peaufinage. Elles seront présentées le 18 janvier 2024, quatre jours avant la Journée franco-allemande. Elles sont destinées non seulement aux gouvernements nationaux respectifs, mais aussi au Conseil des ministres franco-allemand et à l’Assemblée parlementaire franco-allemande.

Ces recommandations concernent non pas des sujets politiques conflictuels, mais des défis communs.

Des sujets qui taraudent toutes les sociétés

Alors que les représentants politiques des deux pays s’affrontent sur maintes problématiques – des projets militaires à l’énergie, en passant par le marché européen de l’électricité –, au Forum pour l’avenir, le rapprochement est presque une évidence. Les communes des deux pays font face aux mêmes défis et profitent à égalité des échanges sur les solutions possibles. « Nous ne débattons pas ici de la question ‘Pour ou contre le nucléaire’. Nous cherchons plutôt à savoir ce que nous pouvons apprendre les uns des autres et ce que l’État peut mettre en œuvre », dit Frank Baasner, Codirecteur du Forum pour l’avenir franco-allemand. Sa fonction principale est celle de Directeur de l’Institut franco-allemand de Ludwigsburg (dfi), ce qui fait de lui un expert du dialogue entre les deux pays. « La spécificité du Forum pour l’avenir est que notre porte d’entrée n’est pas la coopération franco-allemande : nous abordons les sujets qui sont au cœur du débat sociétal directement », dit Baasner. Ainsi, certaines communes engagent une coopération sur un thème concret sans avoir jamais coopéré auparavant.

Offrir un cadre aux échanges

© Imago

Le Forum pour l’avenir a vu le jour à la suite du Traité d’Aix-la-Chapelle, venu compléter le Traité de l’Élysée. Le Président Emmanuel Macron et son homologue de l’époque, la chancelière allemande Angela Merkel, ont signé le Traité d’Aix-la-Chapelle en janvier 2019. Selon la déclaration officielle, l’objectif était « de travailler sur les processus de transformation » des sociétés françaises et allemandes. Ont été fondés en parallèle : le Fonds citoyen franco-allemand et le Comité transfrontalier franco-allemand. Frank Baasner s’est avoué « ravi et légèrement surpris » de la création du Forum pour l’avenir compte tenu de la multiplicité des structures déjà existantes. Selon Baasner, on est parti du constat que les sociétés elles-mêmes, spontanément, produisent déjà beaucoup et qu’elles peuvent être à l’initiative afin de réagir aux grandes mutations de notre époque. L’échange d’expériences est ainsi au premier plan. Pour Baasner, cette plateforme constitue un nouvel instrument pour lui donner corps et augmenter sa visibilité auprès de la sphère politique.

L’exemple du passe transports à 49 euros

« Les communes affrontent des défis à de multiples niveaux car elles doivent régler de nombreux problèmes en parallèle : de l’isolation des bâtiments à l’approvisionnement énergétique en passant par la réduction des émissions de CO2 et la question migratoire », explique Frank Baasner. La volonté d’opérer les transformations nécessaires existe depuis longtemps selon Baasner, mais elle se heurte à des blocages d’ordre administratif ou légal. Les recommandations pourraient contribuer à nommer ces obstacles, et à les résoudre. En Allemagne, le passe transport à 49 euros constitue un exemple de projet réussi : il intéresse particulièrement le gouvernement français. Baasner relate qu’un conseiller de l’Élysée a assisté aux derniers échanges outre-Rhin afin d’en savoir plus sur le passe.

© Forum pour l’avenir franco-allemand

Il existe des exemples de réussites des deux côtés du Rhin. Ceux-ci trouvent leur place au sein des recommandations. Ainsi y sera intégré le « versement mobilité » français, une redevance de mobilité versée par les employeurs privés et publics locaux. Car pour garantir le développement et la modernisation des infrastructures de transports publics, une cadence plus élevée et des tarifs attractifs, « des instruments de financement supplémentaires venant s’ajouter aux aides publiques et aux fonds provenant des enveloppes de taxes sur les activités nuisibles au climat » sont indispensables, lit-on dans l’une des ébauches.

La transition calorifique au cœur du prochain cycle de travail

Certains concepts sont applicables à égalité dans les deux pays – la planification, la mise en œuvre et l’entretien des infrastructures vertes par exemple. Ainsi, à Lyon comme à Munich, il en coûte entre 300 et 500 euros de planter un arbre capable de résister à la sécheresse et de l’entretenir au cours des premières années. « On constate une augmentation notable des coûts car les sites simples à verdir se raréfient. Des dépenses sont alors nécessaires pour desceller et, le cas échéant, dévier les conduites enterrées », lit-on en conclusion. Les pays ont donc intérêt à étudier comment employer les fonds issus du commerce d’émissions de l’UE, du Fonds allemand pour le climat et la transformation et de la Contribution Climat-Énergie (CCE) française.

Même si de prime abord, le texte des recommandations se présente comme un jargon administratif – en allemand ou en français –, il résulte avant tout d’un échange intensif. La prochaine étape sera de transmettre aux décideurs le fruit de ces échanges. Le prochain cycle de travail est d’ores et déjà en cours de préparation. À l’ordre du jour : « Planifier, rénover, réduire ». La mise en œuvre de la transition énergétique et calorifique à l’échelle locale sera au cœur de la problématique. Précisément et concrètement, à l’image des propositions souhaitées.

Traduction : Sophie Reynaud

L’auteure

© Birgit Holzer

Birgit Holzer vit et travaille à Paris depuis 2009. Correspondante à l’étranger, elle écrit des articles sur la France pour des quotidiens allemands – couvrant de nombreux sujets, de la politique à l’économie en passant par les thèmes de société tels que le tourisme, la gastronomie, la culture et la mode.

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