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Télé-enseignement

Un saut quantique

Sophia Bonbon

© Shutterstock

27 mars 2020

L’université virtuelle, l’enseignement numérique et les cours de langues en ligne ne sont pas des territoires inexplorés pour les universités allemandes ; pourtant avant la pandémie du Covid-19, ils étaient plutôt l’exception.

Avec la suspension soudaine des cours en présentiel à partir du semestre d’été 2020, la méthode nolens volens a fait un saut quantique inévitable. Au printemps 2019, le gouvernement fédéral et les seize Länder allemands ont décidé d’unir leurs forces dans le domaine de l’éducation et de la formation. Au moins un peu : L’équipement des écoles et de certaines universités en Allemagne en nouvelles technologies de l’information et de la communication étant, qui l’eût cru, sous-développé, le gouvernement fédéral et les Länder accordent un total de 5,5 milliards d’euros pour aider d’ici 2024.

Mais rien ne se passe ou très peu. En revanche, les discussions sont effrénées. Jusqu’au jour où le pays est subitement menacé par un virus, et c’est le saut quantique : le télé-enseignement existe depuis longtemps. Cependant, la peur, inexprimée, latente ou niée de tout ce qui est nouveau, s’inscrit insidieusement dans le processus de décision des responsables et ralentit son progrès. Cette peur, mauvaise conseillère a même dans le domaine universitaire provoqué de longues discussions. Celles-ci ont toujours freiné l’accélération de toutes les techniques modernes voulant dynamiser l’enseignement et surtout l’adapter à la vie moderne. Le coronavirus a ainsi catapulté le télé-enseignement en le rendant indispensable à la continuation de la formation des étudiants.

Cours de langues en ligne

L’université de Bonn propose en coopération avec l’université de Toulouse une offre innovatrice dans le domaine de l’apprentissage autonome et accompagné des langues étrangères. Cette offre fait partie du projet « Begleitetes Autonomes Fremdsprachenlernen ». Le bureau eTandem identifie et réunit les partenaires d’eTandem harmonieux et conforment aux capacités et intérêts personnels de chacun des participants. Ces derniers définissent leur processus d’apprentissage de manière autonome. Le centre d’étude de langues les soutient en les accompagnant individuellement et en mettant à leur disposition du matériel d’apprentissage spécifique à l’eTandem. Grâce à ce eTandem, il est possible d’apprendre à distance et d’une manière autonome en utilisant des formes de communication numériques tels que l’email, la vidéophonie ou le chat pour des échanges au-delà des frontières nationales. De cette façon, les étudiantes et les étudiants se soutiennent réciproquement pour élargir leurs connaissances en langues étrangères lors de séances régulières. Cependant le nombre d’inscription est encore faible. Cela exige des étudiants une grande part d’autonomie et de discipline. La majorité préfère donc toujours suivre des cours réguliers en présentiel.

La formation virtuelle des enseignants

Un saut quantique en particulier pour tous les enseignants chargés de cours du centre de langues de l’université de Bonn. L’annonce subite, due au coronavirus, du passage de l’enseignement présentiel des langues en cours virtuels a surpris tous les enseignants. Certains, perplexes voire choqués ont spontanément jeté l’éponge. Mais la plupart, aussi bien par conscience professionnelle (ne laissons pas tomber les étudiants !) que pour des raisons économiques, a pris le taureau par les cornes pour assumer ses responsabilités et s’est lancée dans l’aventure… Enseigner une langue étrangère via Zoom sans présentiels ? Un challenge.

La formation à la nouvelle technologie. Ou disons plutôt l’auto-formation. Les outils à notre disposition sont Zoom, adobe connect, ainsi que le fils d’une collègue, un lycéen. Spontanément, il a fallu former les enseignants aux nouvelles techniques et logiciels modernes. Une collègue, très ouverte aux médias et aux formes de communication numériques s’est formée en un week-end avec le soutien de son fils, encore lycéen…

Et les examens ?

L’une des difficultés majeures du semestre d’été 2020 est qu’il ne sera pas possible de faire passer les examens en présentiel pour des raisons sanitaires. Les examens en ligne sont quant à eux assez complexes à organiser. La plupart des universités auront recours au contrôle continu ou à un devoir de remplacement (Kompensationshausarbeit). Le centre de langues de Bonn a choisi la dernière solution. Celle-ci consiste en un travail écrit et en un monologue envoyé par vidéo dans laquelle l’étudiant s’exprimera sur un thème donné.

Spectateurs et acteurs

Le comportement des étudiants devant l’écran est implicitement différent du comportement en présentiel. Tout est à leur disposition, les activités académiques comme le travail d’une autre matière, la recherche d’informations sur le cours, la recherche du vocabulaire en ligne…, les activités privées, mails, préparation d’un voyage…, mais aussi les activités relatives à la physiologie comme manger, boire et dormir.

Malheureusement, en tous cas pour les étudiants, les discussions spontanées avec les voisins manquent. Le logiciel Zoom, quant à lui, permet la communication en petits groupes avec les « breakout session ». Ce qui est nouveau, c’est que l’enseignant est nolens volens invité dans la sphère privé de l’étudiant. On en apprend beaucoup. Certains vivent en colocation, les colocs traversent la pièce et font coucou, ou bien sur un autre écran, c’est le père d’une étudiante qui fait coucou pour dire bonjour et montrer qu’il maîtrise encore le français, ainsi je vois que l’étudiante habite encore chez ses parents. Puis, il y en a un autre, fanatique de musique, qui nous présente ses six instruments. Le mathématicien, quant à lui, habite également chez ses parents et sa mère, lui apporte régulièrement à la mi-temps son café au lait. Une autre étudiante vit seule dans un petit appartement avec une planche à repasser, derrière elle, qui indique qu’elle avait commencé à repasser avant que je n’intervienne… Une autre a du mal à garder les yeux ouverts et s’endort presque devant son écran comme s’il s’agissait d’un téléviseur. Une étudiante en droit loge dans un magnifique appartement d’un très merveilleux design.

L’étudiant est spectateur, puis il devient acteur puisqu’il participe au cours. L’enseignant est acteur et devient spectateur lorsque les étudiants prennent la parole et il peut à son tour en tant que spectateur observer les participants du cours dans leur environnement. Toutefois, il faut préciser que le grand avantage du télé-enseignement est indiscutablement la flexibilité, car il vous permet l’accès en dehors du campus universitaire comme cette étudiante qui profite du déconfinement pour partir au bord de la mer du nord et suivre le cours à la plage ou encore ce cas particulier, d’un étudiant bloqué en Turquie, car le dernier avion rapatriant les derniers passagers pour l’Allemagne étant plein, il reste à l’aéroport et suit le premier cours dans l’espoir de pouvoir rentrer le plus rapidement possible. Le numérique a facilité et sauvé de nombreuses situations et surtout, il a permis au monde académique de continuer à travailler en confinement.

Vive le numérique ! Vive le campus virtuel ! Mais peut-il vraiment remplacer les cours en présentiel ?

Sophia Bonbon est chargée de cours de français à l’université de Bonn.

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