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Covid-19

Contre les restrictions

Anna Pettini

Manifestants autour de la Siegessäule / Colonne de la Victoire, le 29 août 2020 à Berlin, © Jaz_Online, Shutterstock

30 août 2020

Depuis avril dernier, de nombreuses manifestations contre les mesures anti-coronavirus se sont déroulées en Allemagne. Les deux plus importants rassemblements, le 1er et 29 août à Berlin, comptaient un grand nombre de participants, respectivement 20.000 et 38.000.

Aucune manifestation de cette ampleur n’a encore eu lieu en France – seulement un rassemblement d’environ 200 personnes place de la Nation, le même jour qu’à Berlin fin août. Parmi les revendications dans la capitale allemande, on retrouve principalement l’opposition au port du masque. Le mouvement se veut apolitique, mais sa cause est loin de l’être. Le débat qui secoue désormais la société allemande, c’est surtout la crédibilité de ces manifestations.

Les autorités berlinoises avaient d’abord interdit celle du 29 août pour « raison de santé publique », estimant le risque trop élevé. Une décision invalidée par le tribunal administratif de Berlin, à condition de conserver une distance de 1,5 mètres entre chaque manifestant. Et malgré la présence de 3000 policiers sur place le jour J, impossible de faire respecter la distanciation dans une foule aussi dense. La police a donc dispersé les manifestants, après plusieurs avertissements. Peu après les évènements, la ville de Berlin a décidé le port obligatoire du masque pour tout rassemblement de plus de 100 personnes.

Des manifestants au profil hétéroclite

À la manifestation du 29 août, les slogans étaient multiples. « Arrêtez la folie Corona » (Stoppt den Corona-Wahnsinn), « bas les masques » (Maske weg !), « nous faisons du bruit car vous volez notre liberté » (Wir sind laut, weil Ihr unsere Freiheit klaut). Le point commun, c’est leur position « anti-restrictions ». En clair, les manifestants refusent, pour la plupart, de porter le masque et de respecter la distanciation sociale – il suffit d’observer le cortège, bondé, pour s’en rendre compte.

Impossible de savoir combien d’entre eux « croient » en l’existence du Covid. Mais en y regardant de plus près, les rangs sont composés d’individus au profil très hétéroclite. Anti-vaccins, opposants à la 5G, conspirationnistes… Il est difficile de dresser le portrait-type d’un manifestant. D’autant plus que des extrémistes ont pris part à l’évènement. C’est pour cette raison que les manifestations sont controversées. Le 1er août des militants d’extrême-droite avaient aussi rejoint le cortège, mais seulement quelques militants « isolés » selon le renseignement intérieur allemand. La deuxième fois, ils sont venus bien plus nombreux.

Les 38.000 personnes qui manifestaient, selon les autorités, sont arrivées à la porte de Brandebourg aux alentours de 16 heures. Parmi elles, on remarque des drapeaux de l’Empire allemand, noir, blanc, rouge. Un drapeau qui n’est pas anodin… Il a été celui de l’Empire allemand (1871-1918) et de l’Allemagne nazie entre 1933 et 1935. Des néonazis étaient donc dans le cortège. La police en dénombre environ 3000 devant l’ambassade de Russie, où presque 200 personnes seront arrêtées suite à des échauffourées. Peu avant 20 heures, un petit groupe de néonazis réussit à passer les barrières et à monter les marches du Reichstag. Des policiers les rattrapent et les empêchent de pénétrer dans le bâtiment, le symbole de la démocratie allemande, incendié par les nazis en 1933 et abritant aujourd’hui la chambre des députés allemande, le Bundestag. Ce sont ces images-là qui choquent le plus en Allemagne.

La contestation se poursuit

Si l’on ne peut résumer les manifestations à ce débordement, survenu d’ailleurs alors que le gros du cortège avait déjà été dispersé, il est facile de comprendre pourquoi les réactions sont aussi virulentes, notamment au regard de l’Histoire allemande. Le président Frank-Walter Steinmeier a qualifié l’acte d’« attaque insupportable contre le cœur de notre démocratie ». « La diversité des opinions est la marque d’une société saine. Mais la liberté de manifester touche à ses limites, lorsque les règles de l’État sont piétinées », affirmait le ministre de l’intérieur, Horst Seehofer, quelques jours après les évènements.

La simple présence de néonazis et d’extrémistes polarise le débat, beaucoup de commentateurs résumant ainsi la situation : si les manifestants acceptent de marcher avec des nazis, alors leur cause n’est pas recevable. Plus globalement, c’est leur refus d’appliquer les restrictions sanitaires, auxquelles ils s’opposent justement, qui est pointé du doigt par la classe politique. Tout cela contribue à leur décrédibilisation : ils seraient inaudibles et sont même surnommés « Covidiot », un néologisme créé par la présidente du SPD, Saskia Esken.

L’association organisatrice stuttgartoise Querdenken 711 (un Querdenker étant un non-conformiste, 711 rappelle l’indicatif téléphonique de Stuttgart) a déjà annoncé son prochain lieu de rassemblement : ce sera à Constance, le 3 octobre prochain. Le mouvement ne semble donc pas prêt de s’essouffler. Et il n’a pas choisi le 3 octobre au hasard : c’est une date chargée de sens et d’Histoire – ce jour-là, l’Allemagne fêtera ses 30 ans de réunification.

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