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Clubs berlinois en temps de crise

L’ADN de la ville

Adrienne Rey

La danse en boîte est jusqu’à nouvel ordre interdite, © Dean Machala, Unsplash

2 septembre 2020

Déjà rudement touchés par la hausse des loyers et une gentrification galopante, les clubs berlinois, dont certains ont rouvert leurs portes à la fin juin 2020, multiplient les initiatives pour faire face à la crise sanitaire.

Les nuits berlinoises se vivent désormais le jour ou du moins jusqu’à dix heures du soir. Les horaires restreints et diurnes font partie des quelques mesures prises par les clubs depuis leur réouverture progressive amorcée fin juin. Respect des distances, fermeture des espaces clos, gels hydro-alcoolique sont également de la partie. La danse est proscrite et il est demandé aux personnes présentes de laisser une adresse ou un numéro pour être facilement contactées en cas de contamination. Dès le début de la crise sanitaire, de nombreuses chaînes de contamination sont en effet apparues dans les clubs de la capitale allemande.

Savoir se réinventer

Si l’avenir de certains établissements semble compromis, d’autres, fidèles à la réputation créative de la ville, n’ont pas hésité à se réinventer pour accueillir des expositions artistiques. Ce fut notamment le cas au Wilde Renate cet été, ou encore au mythique Berghain qui a rouvert ses portes le 9 septembre avec une exposition réunissant 80 artistes et mêlant peinture, photo, vidéo, sculpture et performances.

Au plus fort de la crise, les nostalgiques du dancefloor ont pu se tourner vers la plateforme United We Stream qui proposait des lives, également diffusés par ArteConcert, partenaire du projet. Le jour de l’ouverture, l’appel aux dons lancé sur United We Stream a permis de récolter plus de 100.000 euros. Un montant dont s’est réjoui Lutz Leischenring, directeur de la Clubcommission, syndicat des professionnels berlinois du secteur, qui milite auprès du parlement allemand pour faire reconnaître les clubs comme des institutions culturelles.

Des « open airs » et des raves parties illégaux

En parallèle à ces réouvertures restreintes, raves et autres open airs se tiennent aux quatre coins de la ville, le plus souvent de manière tout à fait illégale comme à Haselhorst. Aussi dans le parc d’Hasenheide, fin juillet, la police a ainsi mis fin à un rassemblement de plus de 3000 personnes. Les dégâts occasionnés sont estimés à 88.000 euros. Un mois plus tôt, pas moins de 400 bateaux gonflables ont fait leur apparition sur les eaux du Landwehrkanal à Kreuzberg, une action militante pour alerter sur le péril que la crise sanitaire faisait courir aux clubs de la ville, déjà touchés de plein fouet par la hausse des loyers et la gentrification.

Face à une épreuve inédite

C’est qu’avec un chiffre d’affaires estimé à 168 millions d’euros annuels et des recettes indirectes frôlant la barre d’un milliard d’euros, le secteur de la nuit représente une manne économique que les politiques ont à cœur de protéger. Alors que le trafic aérien enregistre une baisse historique, les « Club-Touristen », estimés à 3 millions de personnes chaque année, se font beaucoup moins nombreux. Avec la pandémie, c’est donc pas moins de 9000 employés du secteur et 10.000 artistes (DJ, musiciens…) qui sont directement affectés et doivent se résoudre à des temps partiels quand ils ne se retrouvent pas purement et simplement au chômage.

Pour répondre à la crise, le Sénat de Berlin a débloqué un fonds d’urgence qui a permis de venir en aide à 38 acteurs du monde culturel dont certains clubs réputés de la ville, ://about blank, le Cassiopeia ou encore le Tresor, avec une enveloppe moyenne s’élevant à 81.000 euros pour chacun.

Alors que la ville doit faire face à une probable seconde vague et que l’hiver fait craindre une baisse de la fréquentation pour les clubs, Klaus Lederer, sénateur en charge des questions culturelles, propose la création d’une plateforme baptisée Draußenstadt (« Hors de la ville »), financée à hauteur de 7 millions d’euros par le sénat allemand. Celle-ci doit permettre de promouvoir des projets organisés en plein air, mais également éloignés du centre-ville.

Si avec la crise sanitaire, les clubs berlinois doivent faire face à une épreuve inédite, il ne faudrait pas oublier leur incroyable force de résilience. Reimund Spitzer, à la tête du Golden Gate depuis 2002, veut se montrer confiant. « Nous sommes un peu l’ADN de la ville », confiait-il en août au quotidien Tagesspiegel. Outre d’avoir participé à l’image d’un Berlin « pauvre et sexy » (Klaus Wowereit, maire de Berlin de 2001 à 2014), mais aussi hédoniste et libertaire, les clubs berlinois ont tenu à rappeler qu’ils étaient des acteurs socio-économiques de premier plan.

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