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JR

Chronicles

Adrienne Rey

JR, 28 Millimeters, Women Are Heroes, Action in Jaipur, Holi Fest, India, 2009, Farblithografie, © JR-ART.NET

26 août 2022

Jusqu’au 15 janvier 2023, la Kunsthalle de Munich accueille la première grande exposition allemande de l’œuvre du street artist français JR.

Le 25 août 2022 était déployé sur l’Odeonplatz de Munich la photographie de Valeriia, petite Ukrainienne de 5 ans, réfugiée en Pologne après avoir fui la guerre. Longue de 45 mètres, cette bannière monumentale fait partie du dernier projet de l’artiste français JR.

JR, Déplacé.e.es, Valeriia, Munich, Allemagne, 2022, © JR

Intitulé Déplacé.e.s, cette œuvre cherche à sensibiliser l’opinion sur le sort des enfants réfugiés à travers le monde. Déroulée pour la première fois dans le centre de Lviv en Ukraine, le portrait de Valeriia s’est depuis affiché dans les rues de Berlin, Düsseldorf, Rome et sur le parvis de l’Hôtel de ville de Paris en avril 2022. Il est arrivé à Munich la veille de l’inauguration de la rétrospective JR : Chronicles qui se tient jusqu’au 15 janvier 2022 à la Kunsthalle et retrace près de 20 ans de carrière de l’artiste. De ses premiers portraits dans les rues de Paris et à la Cité des Bosquets de Montfermeil (93) à ceux de Palestiniens et d’Israéliens sur le mur de séparation de Jérusalem, l’exposition plonge dans l’œuvre de l’artiste à travers collages, photographies et vidéos.

Un art du portrait qui s’approprie l’espace urbain

Également présenté dans le cadre de l’exposition, le premier appareil photo de JR, trouvé dans le RER (le Réseau express régional d’Ile-de-France) l’année de ses 17 ans. Cette trouvaille fit office de déclic pour le jeune Jean-René qui, muni de cet appareil, capture ses premiers portraits urbains. Il le racontera des années plus tard dans les colonnes de la gazette Drouot : « J’ai décidé de m’en servir pour documenter mes pérégrinations nocturnes et montrer mes compères graffeurs en action sur les toits de Paris, dans les tunnels ou sur les voies de chemin de fer. L’idée était de garder une trace de nos actions éphémères. »Le jeune artiste imprime ses portraits en photocopie « parce que le coût est moindre » et les colle dans les rues de Paris :  sa première exposition, Expo 2 Rue est née.

JR, The Chronicles of Clichy-Montfermeil, 2017 (détail), Duratrans-Druck, Lichtbox, © JR-ART.NET

Quelques années plus tard, en 2005, JR accède à la notoriété lors des émeutes de banlieues qui débutent à Clichy-sous-Bois et Montfermeil où il a collé un an plus tôt des portraits noir et blanc des habitants du quartier. « Mes photos se sont alors retrouvées en arrière-plan de ces événements qui ont connu une grande couverture médiatique. » S’il refuse de couvrir les émeutes pour les médias, JR comprend alors la portée de son travail et « c’est à ce moment-là », qu’il prend la décision « d’être un artiste, » confie-t-il à la journaliste de la gazette Drouot Sophie Bernard.

« La plus grande galerie d’art au monde : les murs du monde entier »

Depuis les portraits de JR se sont affichés dans les rues de Paris, le mur de Gaza, les favelas de Rio, les bidonvilles du Kenya, un ancien hôpital d’Ellis Island et même jusqu’au dôme du Panthéon. Des lieux hétéroclites où l’artiste expose le visage d’inconnus comme autant de fresques sociales, lui qui ne se présente d’ailleurs jamais sans ses lunettes de soleil et nourrit un goût certain pour l’anonymat. De l’art « engageant plus qu’engagé, où je ne prend pas position » explique-t-il à Sophie Bernard : « Je me considère comme un passeur, un intermédiaire. Dans mon travail, la photo n’a de sens que dans la mesure où elle est installée dans la rue. Ainsi, quand je fais le portrait de quelqu’un, je lui explique que ce n’est pas l’objectif qu’il regarde, mais les gens dans la rue, puisque c’est là que son visage sera affiché. C’est ainsi qu’il devient acteur de l’installation future. »

Une œuvre internationale et protéiforme

Emblématique de cette démarche participative : la plateforme Inside Out a été lancée par JR en mars 2011 lors de la réception de son Prix TED qui récompense des personnalités inspirantes dans le domaine de la science, de la politique ou de l’art. Ouvert à tous, ce projet collaboratif invite les gens du monde entier à « se mobiliser pour des causes qui leur importent » en participant à des actions d’affichage dans l’espace public.

JR, Inside Out, Times Square, New York City, 2013, vue de l’installation, Wheat-paste Poster, © JR-ART.NET

La toute première exposition Inside Out, s’est tenue en 2011 en Tunisie, peu de temps après la révolution de Jasmin et la chute de Ben Ali. Baptisée Artocratie en Tunisie, elle a consisté en un collage d’une centaine d’affiches : 130 portraits de Tunisiens et de Tunisiennes réalisés par six photographes locaux. Un projet qui n’a pas manqué de susciter la polémique : « depuis cinquante ans, les seuls portraits affichés dans les rues tunisiennes étaient ceux des dictateurs », rappelle à ce propos JR sur son site internet. De Hong Kong à Paris, en passant par la Palestine ou les rues de Manhattan, pas moins de 2000 projets ont pu voir le jour au cours des 10 dernières années grâce à la mobilisation de près de 400.000 participants.

Une œuvre mondiale aux nombreuses facettes

Si JR n’a jamais perdu de vue son premier amour pour le collage, il s’est essayé à d’autres arts et d’autres styles. En 2014, il crée le ballet Les Bosquets en collaboration avec la compagnie du New York City Ballet et le célèbre danseur hip-hop Lil Buck. À la musique, il s’entoure du français Woodkid, de Pharell Williams et du compositeur Hans Zimmer à qui l’on doit entre autres la bande originale des films Gladiator, Pirates des Caraïbes ou Interstellar. Inspiré de son premier projet et des émeutes urbaines de 2005, le ballet de JR se sera tenu le temps de 6 représentations au Lincoln Center de New York au printemps 2014 avant de faire l’objet d’un court-métrage l’année suivante.

Plus récemment, JR a fait un crochet par le cinéma le temps d’un film avec la réalisatrice Agnès Varda, figure de la Nouvelle Vague. Sorti en 2017, le documentaire Visages villages suit les tribulations des deux artistes à travers la campagne française, partis à la rencontre de ses habitants dont ils croquent le portait. Derrière leurs collages, se devinent en filigrane les réalités de la ruralité et de la désindustrialisation. Récompensé du prix de L’Œil d’Or du meilleur documentaire au festival de Cannes 2017, Visages villages raconte aussi une belle histoire d’amitié entre les deux artistes que 55 ans séparent. Amitié qu’ils entretiendront jusqu’au décès de la réalisatrice en mars 2019.

JR en 5 dates

1983 : Naissance de Jean René, alias JR à Paris.

2004-2006 : Création de l’exposition de rue Portrait d’une génération à la cité des Bosquets.

2011 : Lancement du projet mondial Inside Out.

2014 : JR présente son ballet Les Bosquets au Lincoln Center de New York.

2017 : Il co-réalise Visages, villages avec Agnès Varda. 

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