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La Covid-19 à Berlin

Pause estivale

Benoît Faedo

Le retour de la culture : Tartuffe mis en scène par Peter Licht devant le Deutsches Theater, © picture alliance / Eventpress Hoensch

5 juillet 2021

Dès l’annonce de l’assouplissement des règles sanitaires début juin 2021, les Berlinois ont retrouvé le grand air pour savourer une certaine liberté dans une ville redevenue trépidante. Profitant d’une météo favorable, les habitants remettent au goût du jour l’hédonisme caractéristique de la capitale. Mais le Coronavirus reste dans toutes les têtes.

Le symbole du relâchement à Berlin ? Des terrasses de restaurants qui ont doublé de surface ! Depuis qu’il est possible de s’asseoir à une table sans présenter le moindre test négatif, chaque restaurateur fait preuve d’ingéniosité pour occuper utilement le moindre bout de macadam – si possible jusque tard. Ici on s’étale devant le magasin voisin dès que celui-ci baisse rideau à 18h, ailleurs on profite de la proximité d’une cour passante pour « squatter » l’espace convoité. Le passant, lui, réapprend à se faufiler entre les tables, mais c’est un plaisir, entre le regard amusé du serveur et le brouhaha joyeux des palabres et des couverts…

Une terrasse de restaurant à Schöneberg, © Benoît Faedo

Avec la fin des restrictions sanitaires annoncées début juin 2021, c’est un vrai vent de soulagement qui s’est engouffré dans les rues de la ville. À bien des égards, le second confinement, particulièrement strict et en cours depuis la mi-décembre, avait sérieusement entamé le moral.

Le quotidien se passe désormais dehors

Dès lors, on se plaît à revoir aux quatre coins de la ville des scènes que l’on croyait à jamais disparues. Dans les parcs, les soundsystems crachent de la minimal tandis que des nuages de marijuana montent vers le ciel. Sur le Landwehrkanal, les canots gonflables défilent à la queue leu leu devant les flâneurs agglutinés au bord de l’eau, tandis qu’on improvise un bar et des débats sous les colonnes de la Alte Nationalgalerie. Et pendant ce temps-là, à Neukölln, les femmes défilent à vélo seins nus pour défendre leur droit à rester topless. Le quotidien se passe désormais à nouveau dehors, partout où l’espace le permet : on traîne, on mange, on fait du sport, on se baigne, on profite…

Canots gonflables sur le Landwehrkanal, © picture alliance / Geisler-Fotopress | Anne Stubenrauch/Geisler-Fotopre

La culture fait son retour

Et puis, enfin !, la vie culturelle a repris. Après huit mois de pause absolue pour la plupart des organisateurs. Une éternité. Le 20 mai, le Freiluftkino Kreuzberg sonnait le réveil en ressortant sa toile dans la cour du Kunstquartier Bethanien. On y projetait Futur Drei, comme la formulation d’un avenir que chacun souhaitait enfin radieux. Quelques jours plus tard, le Deutsches Theater proposait un Tartuffe en plein air, devant sa maison, en guise de lancement d’un projet pilote auquel participait une dizaine de théâtres et scènes contemporaines. Avec jauge réduite et règles sanitaires renforcées, cela s’entend. Une soirée à 14°C qui réunissait 130 spectateurs comblés. Mais surtout un mot d’ordre : « Endlich wieder Theater! » (Enfin du théâtre à nouveau !) Le projet pilote a donné satisfaction et toutes les compagnies qui ont pu se préparer ont déballé leurs programmes. On joue dehors, comme au Natur-Park Schöneberger Südgelände, et dedans, à l’image de la Schaubühne qui a fait un trait sur ses vacances d’été pour s’offrir aux estivants citadins.

La Waldbühne Berlin le 26 juin 2021, © picture alliance/dpa | Christophe Gateau

Le 26 juin, c’était au tour du grand amphithéâtre de la Waldbühne Berlin de valider la possibilité d’un grand rassemblement dans son écrin verdoyant. L’Orchestre philharmonique de Berlin s’y produisait devant 5000 personnes soulagées – certes quatre fois moins que la capacité maximale. Et pour le premier dimanche de juillet, 60 musées de la ville ouvraient leurs portes gratuitement aux visiteurs, pour une opération qui est appelée à se répéter chaque premier dimanche du mois. Bilan : 20.000 visiteurs.

La pandémie dans les têtes et dans les gestes

L’envie, le besoin, le désir de retour à la normale est donc bien là. Mais tout n’est pas encore « normal », justement. Derniers sur la liste à profiter des assouplissements, les clubs sont pour l’heure toujours interdits de réouverture, au grand dam des oiseaux de nuit condamnés à ronger encore un peu leur frein. Néanmoins, chaque adresse tente de s’adapter. Le légendaire Berghain vient de rouvrir son Biergarten, en attendant davantage, et ses murs renferment pour le moment les œuvres contemporaines de la collection Boros. D’autres lieux de fête se sont transformés en centres de test ou de vaccination – une nuit de la vaccination avec DJs et cocktails est même annoncée pour le mois d’août.

Direction Berghain, © picture alliance / NurPhoto | Emmanuele Contini

Partout ou presque, c’est la règle des 3G qui s’est imposée (geimpft, genesen oder getestet), mais cela a suffi à nombre d’organisateurs de quitter le « tout online » pour s’autoriser, quelle folie !, des rencontres avec le public. Étrange sentiment que de pouvoir à nouveau entendre, voir, (res)sentir, toucher parfois, autrement que par écran interposé. Pour le moment, les visiteurs acceptent de faire des efforts et s’astreindre aux règles toujours contraignantes pour retrouver la vie d’avant. Dans de nombreux endroits, il faut parfois encore montrer un test négatif même une fois vacciné. Et il faut accepter bien des restrictions en intérieur. Ainsi cette soirée queer au SO36 où le public est prié… de rester assis.

Et puis, une fois « rentré » sur un événement, le coronavirus est dans toutes les bouches et les doutes subsistent : dois-je ici porter mon masque ? Est-ce que je peux faire la bise ? La distanciation est-elle bien respectée au milieu de cette foule amassée ? « Tout à coup, tout est comme avant, pourtant il y a quelque chose qui ne colle pas », écrit Hannes Soltau dans le Tagesspiegel. Oui, il faudra sans doute encore un peu de temps pour être totalement relâché. Et espérer prolonger cette vitale pause estivale.

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