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Vacances d’été 2020

Sous le signe de la prudence

Anna Pettini

Randonnée solitaire dans le Jura souabe en Bade-Wurtemberg, © office de tourisme du Bade-Wurtemberg

14 août 2020

Rester chez soi, dans son pays, ou partir à l’étranger malgré le coronavirus ? Les Allemands ont fait leur choix pour la saison estivale : la plupart passent « les plus belles semaines de l’année » (un slogan publicitaire) en Allemagne.

Des milliers d’Allemands à la plage de Palma, dansant jusqu’au bout de la nuit au fameux « Ballermann », sous la brise du vent méditerranéen, sur une île qu’on appelle ironiquement « le 17ème Land » allemand : Majorque. Chaque année, ils sont plusieurs millions (4,5 millions en 2019) à s’envoler vers cette île des Baléares. Elle fait partie de leur destination préférée, à la fois pour un public de célibataires qui veut s’amuser et faire la fête, mais aussi pour des familles avec enfants, tout comme des retraités cherchant le soleil et le dépaysement.

Situation difficile à Majorque

La saison 2020 est drastiquement différente à Majorque. En août 2019, les hôtels enregistraient 89,7 % d’occupation. Cette année, la saison a doucement repris à la mi-juin, avec une phase de « test » pour 11.000 allemands maximum. Petit à petit, certains établissements ont rouvert, mais l’île limite le nombre de touristes – et en juillet 2020, seulement 57 % des hôtels étaient ouverts. Ils ont enregistré 37 % de taux d’occupation, selon Maria Frontera, présidente de l’association des hôtels de Majorque. Mais la saison risque de s’arrêter net : début août, l’île fait état de 1500 cas de coronavirus environ, soit autant qu’à la mi-mai. Le ministère des affaires étrangères allemand a lancé un avertissement aux voyageurs, et la poursuite des vacances pourrait être compromise.

Une rive déserte du lac de Constance dans le Bade-Wurtemberg, © office de tourisme du Bade-Wurtemberg.

Les inconvénients du près de chez soi

Beaucoup d’allemands ont dès le départ choisi de rester dans leur pays. Adieu la maison louée près du lac de Garde, bonjour les vacances dans la région voisine. Pour Bianca Oehler, habitante d’Appenweier, une petite commune proche de Kehl derrière la frontière franco-allemande, la sécurité sanitaire prime cette année : « En mi-juillet, c’était très rassurant de rester en Allemagne en vacances. Nous savions qu’en cas d’infection, nous pourrions aller dans un hôpital allemand et que l’assistance médicale nous serait garantie. L’avantage aussi, pour ma famille et moi, c’était de pouvoir s’informer et de ne pas être dépendant des traductions par exemple. » 1h47 de route et les vacances pouvaient commencer – ils décident de louer une maison à la campagne en Rhénanie-Palatinat, le Land limitrophe. « L’important c’était d’être près de chez nous. Mais c’est aussi un inconvénient. La maison et la région sont belles, mais nous n’avons rien découvert de nouveau. En plus, la météo n’était pas au rendez-vous. Mais pour des petites vacances, être en Allemagne c’est bien. Aller à l’étranger ne doit pas être automatique. » Comme cette famille, de nombreux allemands passent l’été à proximité.

L’absence de touristes étrangers

Les chiffres officiels manquent encore pour dresser le bilan de la saison touristique estivale. Mais les relevés pour juin 2020 permettent de se faire une idée de l’ampleur de dégâts, et ils sont colossaux : 41,7 % de nuitées en moins enregistrées par l’office fédéral statistique en juin, par rapport à juin 2019. Le recul est bien sûr moins important chez la clientèle nationale, avec 34,4 %, que chez les visiteurs internationaux, 79 %. Des chiffres bien meilleurs que ceux de mai, mais qui restent faibles. Et malgré la reprise de la saison estivale en juillet, les Allemands qui restent intra-muros pour leurs vacances ne compenseront pas les pertes occasionnées. Pour Huberta Sasse, de l’association allemande pour le tourisme (Deutscher Tourismusverband): « Bien qu’on parle d’un boom du tourisme en Allemagne, les réservations sont largement inférieures à celles des années précédentes. » D’après une étude réalisée en juin dernier par infrastest-dimap pour l’ARD, 35 % des interrogés avaient prévu des vacances en Allemagne, soit une augmentation de – seulement – 4 points de pourcentage par rapport à l’année précédente. Et les autres ? 51 % d’entre eux n’ont tout simplement pas prévu de partir en vacances.

Profiter du rivage en respectant la distanciation sociale : la plage de Stralsund, sur les rives de la mer Baltique. © Tourismuszentrale Hansestadt Stralsund / Hart

Les plus prisés : la Baltique, la Bavière et le Bade-Wurtemberg

Pour ceux qui partent, les destinations habituelles sont privilégiées. Pour résumer : la côte sur la mer Baltique et le Sud (Bade-Wurtemberg et Bavière). Les offices de tourisme locaux confirment : « Au Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, nous sommes LA destination préférée des Allemands, et ce depuis des années, comme le confirment plusieurs études. Les stations balnéaires de la Baltique, les îles et les lieux de baignade sur les terres sont les plus demandés en période estivale. », selon Tobias Woitendorf, directeur général de l’office de tourisme régional.

Dans chaque Land prisé, certains lieux sont incontournables. Au Bade-Wurtemberg, ce sont la Forêt Noire et le lac de Constance qui attirent « d’innombrables visiteurs » chaque année, précise Martin Knauer, porte-parole de l’office de tourisme régional. « Dernièrement, nous avons noté un regain pour le Jura souabe, la région Haute-Souabe et l’Allgäu. En cet été marqué par la pandémie, la demande est particulièrement forte pour les destinations rurales. Beaucoup de gens souhaitent aller dehors, en pleine nature. »

Les activités extérieures en plein boom

Une tendance qui s’observe toutes régions confondues. En Bavière aussi, décrit Sabrina Kühr, de l’office régional : « Les vacances à la ferme ou au camping sont les plus demandées. En ville, l’hôtellerie souffre extrêmement de la disparition des voyageurs d’affaires et étrangers. » Les professionnels du tourisme sont unanimes, le vélo et la randonnée notamment, seraient en nette augmentation. Sur le terrain aussi, Jens Kuhr, de l’association allemande de randonnée, le constate au quotidien : « Nous avons des retours de toute l’Allemagne, il y a nettement plus de randonneurs qu’avant la pandémie. Moi-même, avant la pandémie, je croisais maximum 1 à 2 groupes par semaine sur les chemins, aujourd’hui c’est minimum 1 à 2 groupes par jour, encore plus le week-end. Les gens sortent surtout en famille et avec des enfants. » Au point même de surpeupler les chemins : « Sur les sentiers les plus populaires, ça devient presque plein le week-end. Donc nous informons délibérément les usagers sur les lieux moins connus. Au Bade-Wurtemberg, nous avons presque 50.000 kilomètres de sentiers signalisés. Il y a bien de la place pour tout le monde. », révèle Martin Knauer. Des vacances au vert, en famille, et dans son propre pays – loin des plages surchargées.

Difficile de maintenir la distanciation sociale sur la plage bondée de Zinnowitz sur l’île Usedom le 19 juillet 2020. © picture alliance / Stefan Sauer / dpa

Ce n’était pourtant pas le cas partout, l’augmentation des voyages et une forme de relâchement l’accompagnant, ont entrainé une hausse significative des cas de coronavirus. La semaine du 16 août, l’Institut Robert Koch, qui recense les infections en Allemagne, décomptait 6.837 nouveaux cas.

La saison 2020 à Europa-Park

Europa-Park fait toujours le plein de visiteurs, dont des Français, malgré les mesures de distanciation sociale. Avec plus de 5,7 millions de visiteurs en 2019, c’est une destination très prisée des Français en région frontalière et bien au-delà. C’est le parc d’attraction saisonnier le plus visité au monde. Dans le contexte de pandémie, voilà ce qui a changé cet été. Une interview avec Lea Anstaett, relations presse France chez Europa-Park.

À quoi ressemblera le bilan pour l’été 2020, notamment pour la clientèle française ?

L’année 2020 sera incomparable avec les années précédentes. Le parc a ouvert bien plus tard pour la saison estivale, avec un nombre de visiteurs limité à 10.000-15.000 par jour. Même l’univers aquatique Rulantica a été fermé longtemps et le nombre de visiteurs reste limité.
Au fond, 80 % de notre clientèle sont des personnes qui reviennent. Europa-Park est surtout prisé des Alsaciens qui habitent à proximité. L’été dernier, nous avons eu 22 % de clientèle française. Nos visiteurs français ont attendu avec impatience la réouverture de la frontière. Le parc permet de découvrir l’Europe en une journée avec ses 15 secteurs européens. Un argument de plus pour venir le visiter, qu’on soit visiteur de France, Allemagne, ou d’autres pays.

Cet été, les visiteurs doivent respecter la distanciation sociale et porter un masque. © Europa-Park 

Pensez-vous que la pandémie change le profil de vos visiteurs ? On dit aujourd’hui que le tourisme se fait à proximité de chez soi.

Nous avons gagné un statut de destination de proximité. La demande a beaucoup augmenté chez les visiteurs allemands, tout comme le tourisme intra-muros, dans son propre pays. Nous le ressentons. Malheureusement, nous ne pouvons pas répondre à toute la demande, à cause des restrictions. Le nombre de réservations nous permet de mesurer le succès auprès de la clientèle.

Donc les visiteurs sont toujours au rendez-vous malgré les mesures de distanciation sociale ?

Oui. La santé et sécurité de nos visiteurs a toujours été notre plus grande priorité. Nous avons donc mis en place un grand concept d’hygiène développé avec les autorités locales. Cela permet aux visiteurs de visiter le parc en toute sécurité.

Concrètement, quelles mesures avez-vous prises depuis la pandémie ?

Il y a déjà le nombre limité de visiteurs, avec des réservations en ligne à la journée, le port d’un masque couvrant la bouche et le nez dans les espaces clos, les files d’attente et les attractions, de nouvelles applications aussi, comme le « distance radar » ou la « VirtualLine », grâce à laquelle les visiteurs peuvent « faire la queue virtuellement » et disposent donc de plus de temps dans le parc. En plus, nous avons de nombreuses autres mesures, comme l’augmentation du nettoyage et le suivi du contact dans les restaurants. La compréhension des visiteurs est en générale élevée, ils savent qu’ils se protègent et protègent aussi les autres en respectant ces règles.

Comment percevez-vous l’avenir malgré la pandémie ?

Tout le monde est plus prudent. C’est pour cela que la tendance est plutôt à des vacances dans son propre pays, ce dont on se réjouit beaucoup en tant que destination de proximité.

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2 Kommentare/Commentaires

  1. Un article qui fait réfléchir sur les défis que pose la pandémie au tourisme et aux échanges culturels : est ce que le « restons chez soi pour les vacances » est une stratégie qui va s’imposer sur le moyen-long terme, alors même que le virus ne connait pas de frontières?
    Il est rassurant de voir que les gestes barrières sont de mise à Europapark, des réflexes qui manquent parfois dans des espaces de loisirs.

  2. Cet article très complet donne une idée – peut-être – des destinations vacances à favoriser à l’avenir pour les organismes touristiques : partir dans son pays ! Ça serait mieux pour lutter contre le réchauffement climatique, non ?

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