Afrodeutsche
Allemands et noirs
20 avril 2021
Ils sont noirs, métis, café au lait, caramel, certains avec des cheveux bouclés ou frisés – et ils seraient près d’un million en Allemagne. On les appelle « Schwarze ». Certains préfèrent le terme d’ « Afrodeutsche ». Article mis à jour : « Après la mort de George Floyd ».
Leur Histoire et leur vécu sont différents de ceux de la majorité des Allemands. Plongée dans une communauté qui doit faire face bien souvent au racisme et aux discriminations. Une communauté pourtant bien allemande.
Le 19 octobre 2019 mourrait dans un triste anonymat Theodor Wonja Michael. Il avait 94 ans, était allemand et avait été tour à tour figurant, comédien, journaliste et même espion. Il était un des derniers survivants des camps nazis. Plutôt, il était le dernier survivant noir allemand des camps nazis ! Des noirs allemands ? En Allemagne ?
Une tradition coloniale méconnue
Le premier noir allemand aurait été Anton Wilhelm Amo, originaire du Ghana, qui, enfant, est offert vers 1720 en cadeau au Duc de Brunswick-Wolfenbüttel. Sous la protection de ses riches propriétaires, il fera des études qui lui permettront plus tard d’obtenir une chaire de philosophie et un poste de professeur à l’université de Halle.
Mais tous n’ont pas la chance d’Amo. D’autres enfants, d’autres esclaves sont pris et ramenés de force des premières propriétés allemandes en Afrique, la Côte de l’Or, le Ghana actuel. En guise d’impôt, les riches commerçants allemands devaient en effet envoyer au Roi Frédéric Guillaume de Prusse « 12 garçons nègres, dont six décorés de chaînes d’or ».
Un siècle plus tard, en 1884, les relations entre les puissances européennes se tendent, sur fond d’expansion et de compétition coloniale en Afrique. Sous couvert de philanthropie et d’humanisme, toutes veulent tirer profit des riches terres africaines. Le traité de Berlin de 1884 va ainsi fixer les règles de partage et d’occupation de l’Afrique. L’esclavage est aboli, honni ; le colonialisme peut commencer !
Si les commerçants allemands chers à Bismarck occupent des territoires en Afrique depuis plusieurs années, c’est officiellement de 1883 à 1885 que l’Allemagne va débuter l’occupation de l’Ouest du continent (actuels Cameroun et Togo), une partie du Sud-Ouest africain (actuelle Namibie) et de l’Afrique orientale (actuelle Tanzanie) jusqu’au Rwanda. Quelques Africains sont alors envoyés en Allemagne pour étudier, et ainsi pouvoir participer à l’encadrement des futures administrations coloniales dans leur pays.
Tout n’est cependant pas si vertueux. Dans les colonies, les relations interraciales sont strictement encadrées. Les mariages mixtes sont rendus compliqués, voire impossibles. Les enfants métis ne sont pas reconnus par l’Etat allemand. Les chefs des ethnies qui résistent au soi-disant « bien fait » du colonialisme sont pendus. De 1904 à 1908 les Namas et les Hereros, ethnies de Namibie, sont méthodiquement exterminés. Bernhard Dernburg, Directeur des affaires coloniales de l’Allemagne, déclare « certaines tribus indigènes, tout comme certains animaux, doivent être détruites ». C’est le premier génocide du 20e siècle : dans les sordides camps d’internement, des médecins allemands mèneront des expériences sur les enfants, femmes et hommes noirs, et serviront de modèles au médecin nazi Mengele.
Jusqu’à la fin des années 30 d’autres colonisés africains seront déportés pour peupler les zoos humains qui vont animer les centres commerçants des grandes villes allemandes et occidentales durant des années. Là, en cage ou dans des villages factices reconstitués, ces femmes et ces hommes noirs vont servir d’attractions aux côtés des lions et autres éléphants. Les noirs, « monstres humains », sont moqués, caressés craintivement par des enfants blancs à qui l’on disait que le noir était plus proche de l’animal, du singe que de l’homme…
« Bâtards rhénans »
En ce début de 20e siècle, on estime qu’entre 1000 et 3000 noirs résident en Allemagne. Leur statut de citoyen allemand des colonies est incertain, leurs droits sont minimes. Après la première guerre mondiale, l’Allemagne endure honteusement la défaite et se dit humiliée par l’occupation des troupes alliées, composées en partie de soldats noirs en Rhénanie. C’est la « Honte noire » ; on en a fait le film « Die schwarze Schmach ».
La presse d’extrême droite parle de viols de masse commis par ces soldats noirs. Plus tard, les rapports militaires démentiront les sordides rumeurs. Entretemps, des unions entre soldats noirs et femmes allemandes se créent malgré les interdictions et les rejets. Leurs enfants seront les « bâtards rhénans ».
Pendant la « Grande Dépression » de 1929 tous ces noirs ou métis allemands sont oubliés, et ne perçoivent aucune aide de l’état contrairement aux autres; ils ne sont pas officiellement allemands. Hitler plus tard, sera radical : ils perdent tous leurs droits.
Les nazis les
expédient dans des camps de travail à l’instar de Theodor Wonja Michael.
Environ 500 enfants noirs seront stérilisés, dont Hans Hauck qui raconte dans le documentaire « Hitler’s
Forgotten Victims’ » qu’après son opération on lui avait remis, lui enfant
métis, un certificat de stérilisation qui l’autorisait à travailler, mais lui
interdisait de se marier ou d’avoir des rapports sexuels avec des personnes
« de sang allemand ».
A la fin de la seconde guerre mondiale, les troupes d’occupation composées en partie de soldats afro-américains, afro-caribéens ou africains vont encore une fois, malgré les règles militaires racistes, se mêler aux populations locales. Des « brown babies » ou « war babies » naissent : le gouvernement ouest allemand va pendant longtemps les rejeter. En Allemagne de l’Est, de l’autre côté du mur, des Africains, frères communistes, s’installent aussi. Ils viennent étudier, vivre et fonder parfois eux aussi des familles interraciales – et découvrent le racisme communiste en RDA.
« Afrodeutsche »
Mais, ces femmes et hommes noirs, métis, nés en Allemagne parlant allemand, de culture maintenant allemande, sont-ils somaliens, camerounais, américains, européens ou simplement allemands ?
Audre Lorde, intellectuelle féministe afro-américaine, de passage à Berlin dans les années 80, lance l’idée de recenser les initiatives de femmes artistes noires, métisses et allemandes et à l’identité floue.
Elle crée le concept d’ « Afrodeutsche » qui vient répondre en écho aux maux identitaires de ces noirs allemands. Le terme « Afrodeutsche » n’entre officiellement dans les dictionnaires allemands qu’en 2006. D’autres initiatives, telles l’Initiative Schwarze Menschen in Deutschland Bund (ISD), cherchent à regrouper toutes ces personnes, Afrodeutsche, afin de créer un imaginaire noir allemand progressif et positif. Entre autres, le mouvement souhaite re-baptiser des noms de rue qui portent aujourd’hui les stigmates de cette triste histoire coloniale, telle la « Mohren-Straße » à Berlin. La « rue des Sarrasins » !
Mais plus généralement, et en s’appuyant sur une jeune génération plus active et politique, tous ces mouvements (certains sont féministes) veulent sortir d’un discours victimaire et revendiquent maintenant une place réelle et effective dans la société allemande pour ces Afrodeutsche.
La route reste encore longue
Car ils sont là, près d’un million en Allemagne. Ils sont allemands et noirs. La route reste encore longue avant d’être complètement acceptés. Pas facile de vivre en tant que noir et métis dans ce tableau des imaginaires dans lequel tous les Allemands sont forcément blonds et grands.
Anja R., 19 ans, métisse : « Bien sûr que je me sens allemande. Mais je me sais aussi différente de par mes origines et ma couleur de peau. De toute façon, je ne peux oublier que je suis différente, car mes camarades étudiants me le rappellent souvent en me faisant toujours un moment ou un autre des remarques sur mes origines. Est-ce que cela me blesse ? Oui et non. Oui, car cela reste discriminant et me fait me rendre compte que je suis différente, « Autre ». Mais parce que justement je suis « autre », je me sens plus riche en tant qu’Allemande et j’en tire une fierté ».
Vedettes
Leroy Sane aujourd’hui, hier Gerald Asamoah, et avant cela Jimmy Hartwig, Erwin Kostedde ont fait tour à tour les beaux jours de la Bundesliga et des supporters de la Nationalmannschaft.
Kid Soul, Serious Klein, Juju Rogers sont les nouvelles stars de la scène Rap et Soul allemande. Leurs vidéos sont visionnées sur les réseaux sociaux par des millions de fans. Hier déjà, les stars de la musique s’appelaient Joy Denalane, Samy Deluxe ou Ayo. Afrodeutsche !
En 2012, John Ehret est élu maire de la petite ville Mauer dans le land du Bade-Wurtemberg. En 2013 c’est au tour de Karamba Diaby du SPD, de Charles M. Huber de la CSU, et en 2019 d’Aminata Touré pour les verts d’être à leur tour élus dans les plus hautes assemblées législatives allemandes. Eux aussi sont des Afrodeutsche !
« Tatort », le totem inamovible de la télévision allemande, la série policière du dimanche soir, a vu sa commissaire prendre les traits et la couleur de l’actrice allemande mondialement connue (elle a joué dans le film « Black Panther »), Florence Kasumba. Une autre Afrodeutsche.
L’arrivée récente des milliers de réfugiés originaires d’Afrique orientale ou du moyen orient participera encore au fait noir et métis en Allemagne – un pas de plus vers la normalité.
Un futur à construire ensemble
Après avoir été agressé dans les années 90, le député Karamba Diaby déclarait en 2010, quelques années avant son élection, que le racisme n’était plus un problème en Allemagne et notamment à l’Est, où il vit depuis plus de 30 ans.
Il doit regretter ce temps et cette déclaration. Récemment, il a été victime de nouvelles menaces racistes et s’ouvrait, inquiet de ce nouveau climat, à la chancelière Angela Merkel. Pire, un rapport de l’ONU en 2017 notait un racisme d’Etat, voire structurel en Allemagne qui entravait la vie de ces noirs pour la recherche d’appartements, d’un travail, ou dans leurs relations avec les administrations fédérales. Les rapporteurs avaient sûrement en tête les morts suspectes d’Oury Jalloh, mort brulé dans sa cellule, les pieds et les mains liés, ou de N’deye Mareame Sarr, abattue par deux policiers dans des conditions troubles…
Oumar Diallo, qui vit à Berlin depuis plus de 20 ans, raconte son expérience à son retour d’un voyage de vacances en Espagne: « J’étais le seul noir de l’avion, et j’ai été le seul à être contrôlé par la police. Même s’ils m’ont assuré que la couleur de ma peau n’avait rien à voir avec le contrôle. »
Le rapport de l’ONU fait état de contrôles au faciès de plus en plus fréquents que doivent subir les personnes de couleur en Allemagne. Ledit rapport propose des pistes et préconise un plan national pour l’amélioration de la vie des noirs allemands avec entre autres l’embauche de ces Afrodeutsche dans les administrations. Ou encore, un meilleur apprentissage de l’histoire coloniale allemande dans les écoles. Le rapport de l’ONU rejoignait les inquiétudes du Parlement européen sur le sujet qui lui, et afin de combattre la banalité de ce racisme, recommandait en mars 2019 l’intégration de ces Afrodeutsche dans des productions télé et cinématographiques allemandes.
En effet, les agressions racistes augmentent (+ 40 % en Saxe), et restent confinés aux faits divers. Signe de cette triste évolution, dans un pays où la parole s’est libérée avec la résurgence des mouvements d’extrême droite, les insultes racistes se font de plus en plus nombreuses. Gerald Asamoah, international Allemand, était déjà traité de « singe » dans un stade allemand en 2006, peu de temps après la Coupe du monde de football. « Tu peux faire tout ce que tu veux pour le pays, tu restes malgré tout le noir », déclarait-il, fataliste. Quelques années plus tard, c’est au tour de Jerôme Boateng la star internationale de Football multi titrée et primée, du Bayern de Munich d’être au centre d’une polémique créée par Alexander Gauland, vice président de l’AFD, parti d’extrême droite. Celui-ci déclare que « personne n’aimerait avoir (Boateng) comme voisin ». Scandale ! Malgré les plates excuses du parti et les dénégations de Gauland, le mal est fait. Pire, elle est vécue par beaucoup de ces Afrodeutsche comme symptomatique d’un rejet.
Pas grave cependant, les Afrodeutsche sont et restent là ! Fiers de leur origine et d’être allemands. Et comme le dit ce même Oumar Diallo, contrôlé par la police : « Nous sommes une chance pour ce pays ! C’est ma façon de voir les choses ».
Black and Proud ! And German !
Après la mort de George Floyd
Pascal Reine-Adelaide
« Tout simplement noir », c’est le titre d’une comédie à succès de l’été 2020 en France en plein crise du Covid. C’est l’histoire de Jean-Pascal Zadi, acteur et réalisateur du film qui souhaite organiser à Paris une grande marche de protestation en l’honneur de l’homme noir. C’est aussi l’état de quelques millions d’Afro-descendants au cœur de l’Europe qui vivent un quotidien différent de la majorité des Européens.
Mitan des années 80
Ils sont deux, grands et beaux jeunes garçons, d’une vingtaine d’années à peine, étudiants ou presque, rieurs, chambreurs. Vivants. Rien ne les distingue des autres de leur âge.
Ce soir-là, ils sont partis de leurs immeubles de banlieue pour rejoindre Paris et leurs potes d’autres banlieues, faire la fête. Là plusieurs fois, à l’entrée des clubs, il leur a été dit qu’ils n’étaient pas membres de ces endroits et ne pouvaient donc y accéder. Contrairement aux autres… Eux, ils sont membres du club de ceux qui n’ont pas accès à ce type de lieux. Longtemps déjà qu’ils l’ont compris.
Pourtant rien ou presque ne les distingue des autres jeunes de leur âge. Pas grave, ils connaissent et savent esquiver et en rire. Ils finissent la nuit dans un autre club plus familier, avec leurs amis, leur musique et leur monde. 5h du matin, premier métro, Station Anvers, tous se retrouvent sur les quais pour retourner vers leurs banlieues. Soudain des cris, des coups de feu, des aboiements… Gaz lacrymogènes. Déboulent sur les quais des chiens féroces aux gueules défigurées par la tension des laisses difficilement tenues par des policiers hilares et menaçants.
Les jeunes sur les quais qui quelques minutes auparavant riaient bruyamment, moquaient les flirts improbables ou les pas de danse des uns et des autres, restent assis, tétanisés sur les sièges plastique de la RATP. D’autres collent leurs jeunes corps frêles aux affiches de publicités 4×4 de la station.
Ils ont peur, ils baissent la tête. Ils n’ont rien fait, mais ils ont déjà compris. Les chiens aboient, les policiers crient, les insultent. Rien ne les distingue pourtant des autres jeunes de leur âge, qui sont partout en France ou à Paris peut-être même à quelques centaines de mètres d’eux, à la même heure, sur un autre quai, dans un autre monde… Rien, si ce n’est la couleur de leur peau. Ils sont noirs.
2020
2020, soit 40 ans plus tard, où en sommes-nous en France, en Allemagne, en Europe ?
Une députée européenne allemande, Pierrette Herzberger-Fofana, vient en pleurs témoigner d’une humiliante confrontation qu’elle a eue avec la police belge lors d’un contrôle musclé à Bruxelles. Entre autres, les policiers n’ont pas cru qu’elle puisse être allemande, députée et donc de plein droit résidente européenne.
L’actualité française retient elle, l’activisme d’une femme noire Aïssa Traoré omniprésente dans les médias pour réclamer une nouvelle enquête sur la mort de son frère Adama Traoré mort en 2016 suite à une interpellation violente. En soutien, des milliers de jeunes français majoritairement noirs ont défilé dans les rues de Paris et d’autres villes de France. Ces manifestations donnaient une singulière résonance européenne à la mort de George Floyd aux États-Unis le 25 mai 2020, décédé lui également suite à son interpellation par des policiers. George Floyd était lui aussi noir.
Là bas des manifestations, mais ici aussi en Europe, à Bruxelles, à Berlin et à Paris donc. Partout le même slogan: Black Lives Matter ! Y aurait-il un malaise noir en Europe ? Une difficulté à vivre lorsque l’on est, naît noir en Europe ? Peut-on être noir et européen ? Noir et français ? Noir et allemand ?
En Allemagne, en 2019 les cas d’actes racistes « déclarés » ont augmenté de 10 %. Pour Bernhard Franke, patron de l’Agence Fédérale contre les Discriminations ADS, 2019 est l’année durant laquelle la haine et l’hostilité ont été particulièrement fortes contre les minorités.
Au point d’amener les élus du Land de Berlin à voter en urgence une loi contre les discriminations. En 2018, un rapport de l’Agence des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne, pointait un racisme endémique européen qui signifiait pour les personnes de couleur une plus grande difficulté à se loger ou à accéder à des bons emplois. A quoi il faut ajouter un quotidien social souvent rendu plus compliqué par les tracasseries, remarques ou vexations de certains collègues sur les lieux de travail et des administrations d’Etat voire de la police.
Un racisme quotidien et banalisé
En France, la police à l’image de la société devient violente. Les populations les plus pauvres qui sont souvent basanées (noires, maghrébines, etc.) en sont plus que fréquemment les victimes.
Jacques Toubon, Défenseur des Droits français (instance gouvernementale symbolique et chargé de veiller au respect des droits de l’homme), ancien ministre de la culture et de la justice conservateur (UMP), pas ce que l’on pourrait appeler un dangereux communiste suppôt du Jihadisme ou du militantisme Black Lives Matter, reconnaissait dans un rapport qu’un jeune noir ou un jeune maghrébin avait 20 fois plus de chances de se faire contrôler qu’un blanc. Il appelait à une transformation des usages… dans la société française. Certes.
En Allemagne, l’État fédéral nie tout racisme dans le traitement policier des affaires courantes. Pourtant des rapports édités par l’ONU (en 2017) ou par le parlement européen (en 2019) s’inquiétaient de la montée d’un racisme systémique lui aussi, pratiqué par les administrations fédérales en Allemagne et des contrôles policiers au faciès de plus en plus fréquents et sans réelle motivation autre que discriminante. En outre, la police allemande a, elle aussi, ses histoires sombres, telles les morts suspectes de Oury Jalloh, mort brulé dans sa cellule en 2005, les pieds et les mains liés, ou celle de N’deye Mareame Sarr, abattue par deux policiers en 2001…
Au delà des violences et/ou des tracasseries policières s’ajoutent le quotidien de ces jeunes français, allemands, européens et noirs.
Dans le pays de la liberté, de l’égalité et de la fraternité
En France, dans le pays de la liberté, de l’égalité et de la fraternité, il vaut mieux ne pas être noir quand on doit se loger, et ce malgré les dénégations des syndicats immobiliers et les bonnes résolutions des uns et des autres! Une étude menée en 2019 pendant près d’un an, par SOS Racisme montrait que pour se loger en région parisienne être noir faisait diminuer de près de 40 % ses chances de trouver un logement (28 % pour un maghrébin, 15 % pour un asiatique…). Les particuliers, propriétaires de logements, sont montrés du doigt car ils sélectionnent quasiment toujours (88 %) des profils non noirs. Les agences immobilières pourtant tenues par une charte de bonne conduite (de moins en moins contraignante), ne s’en tirent guère mieux dans les résultats de l’étude.
Dans tous les cas, les débordements racistes affleurent ici ou là; une agence immobilière a ainsi été condamnée en 2019 pour une consigne discriminante donnée à ses employés en 2006: « pas de noir, pas de jaune et pas d’arabe » ; une autre en 2016 stipulait sur son site de location « nationalité française obligatoire; pas de noir ! » avant de s’excuser publiquement !
En Allemagne, l’histoire est la même
Hamado Dipama originaire du Burkina Faso et qui vit en Bavière depuis plus de 10 ans a voulu le rappeler aux Allemands en portant plainte contre un propriétaire. A Augsbourg, ce propriétaire avait posté une annonce de location pour son appartement: « disponible uniquement pour les Allemands ». Condamné par une cour locale à une amende de 1 000 euros, ce propriétaire, comme beaucoup d’autres en Allemagne, avait oublié que les discriminations racistes ou religieuses étaient interdites, même si comme il l’avançait sans filet, il avait eu des « mauvaises expériences avec des Turcs ». Car ils sont nombreux les appartements libres qui deviennent subitement indisponibles lorsque la personne demandeuse et qui pourtant parlait si bien allemand au téléphone s’avère être un homme ou une femme noire…
Au travail aussi les discriminations persistent. Même si en Allemagne, le problème semble moins patent. L’Allemagne figure, selon l’enquête Glassdoor sortie en 2019, de bon élève concernant le racisme au travail, puisque « seuls » 24 % des employés allemands avaient vécu ou été témoins d’actes racistes (contre 30 % en France).
Mais qui peut déclarer en France ou en Allemagne avoir un patron ou un chef noir ? Ils sont rares en France les dirigeants ou directeurs de service généraux noirs ou métis. Pour Laetitia Hélouet, coprésidente du Club 21e siècle « Selon un baromètre réalisé à la fin de 2017, moins de 1 % des administrateurs du CAC 40 et des entreprises du SBF 120 sont des Français d’origine non européenne. Depuis, la situation n’a pas progressé ».
Du coup il est fréquent que des diplômés afro-descendants décident de quitter la France ou l’Allemagne pour les pays anglo-saxons où paradoxe, la discrimination positive offre quelques rares opportunités. Et si là, ces portes restent fermées, il ne reste alors qu’à émigrer en Afrique ou dans les anciennes colonies. Paradoxalement, et même s’ils connaissent à peine ces pays ou cultures, puisque nés en France ou en Allemagne, ils pourront là y trouver des postes parce que noirs. Ils n’auront pas à affronter la barrière de la couleur. La boucle est bouclée !
Des stars noires ?
La musique, les sports font exception. Là, les qualités de ces noirs ou Afro-descendants ont depuis longtemps fait sauter les barrières raciales. Que ce soit en Allemagne ou en France, et dans presque tous les pays européens les réseaux sociaux, les charts ont élevé au rang de stars de la musique ces noirs : Ayo, Joy Denalane, Patrice, Samy Deluxe en Allemagne, Oxmo, Maitre G., Joey Starr, etc. En France, l’équipe de France de football championne du monde en 2018 était composée de 7, voire 8 joueurs afro-descendants. Jérôme Boateng, Serge Gnabry, Leroy Sane sont ou étaient trois des joueurs indiscutables de la Nationalmannschaft en Allemagne. Surreprésentés, relativement à la population de leur pays, ces noirs pratiquent leur sport en subissant encore fréquemment les insultes de ceux qui doutent toujours de leur droit à représenter la France ou l’Allemagne.
Cette surreprésentation afro-descendante dans les domaines sportifs et musicaux devraient pourtant poser question. Car à l’instar du fait afro-américain, elle confirme le surinvestissement des classes populaires dans des domaines où la reconnaissance sociale se fait par le corps. Car bien évidemment si l’on rencontre beaucoup de noirs ou d’afro descendants dans les équipes, ou sur scène, ils sont moins nombreux dans l’encadrement et la gestion des grands clubs institutions sportives ou musicales. Elle confirme ainsi, toujours à l’instar des structures sociales afro-américaines la paupérisation de ces populations afro-descendantes en Europe. La boucle est bouclée.
Quel avenir pour ces Afro-européens ?
Certes les Histoires américaine et française et allemande sont différentes. Mais force est de constater que lorsque l’on est noir dans ces pays à majorité blanche, la vie est plus compliquée ; tous les chiffres, les enquêtes quand elles existent le démontrent. Que ce soit pour accéder au logement, au travail ou dans les relations avec les institutions du quotidien, il vaut mieux être blanc que noir. Que faire ?
Reste le travail quotidien et désintéressé de quelques-uns et notamment d’associations à une société plus juste et l’espoir de jours meilleurs. C’est d’ailleurs ce que tous les acteurs concernés, en Europe, en France et en Allemagne préconisent: des politiques d’intégration plus dynamiques de ces populations dans les administrations, des lois plus strictes punissant les comportements racistes dans la police et dans les administrations mais aussi au quotidien, des CV anonymes à l’embauche, voire des mécanismes de discrimination positive dans les médias…
Martin Luther King déclara: « Soit nous vivons ensemble en frères, soit nous mourrons en idiots ». Certes. Reste encore le métissage, mot tabou pour certains mais pourtant fait historique et vérité quotidienne pour un grand nombre… Léopold Senghor, le poète président sénégalais a dit : « Deux peuples se rencontrent, ils se combattent souvent, ils se métissent toujours ».
Comme ces deux jeunes garçons qui allaient en boîte de nuit dans les années 80 et qui ont aujourd’hui presque 60 ans, des cheveux gris et des illusions qui ont disparu au fil de leur vie.
Ils ont des enfants ado, jeunes adultes métis français, allemands, européens ! Leurs enfants justement ont manifesté le 2 juin 2020 à Paris en criant Black Lives Matter ! Ces enfants là sont de cette génération avide et frénétique : ne plus baisser la tête ! Exiger ! Tout et tout de suite !
Oui, Black European Lives Matter !
P.-S. Le 20 avril 2021, le policier blanc Derek Chauvin a été jugé au tribunal de Minneapolis pour meurtre, homicide involontaire et violences volontaires ayant entraîné la mort de l’Afro-AméricainGeorge Floyd ; il a été immédiatement écroué ; le 25 juin, il a été condamné à 22 ans et demi de prison.
Chapeau bas an Herrn Reine-Adelaide: Ein wirklich aufrührender Appell! Ich fühlte mich gerade auch deswegen von der Lektüre dieses Textes ganz besonders berührt, weil mir dabei immer wieder die alltägliche Situation in meinem Klassenzimmer auf Réunion vor meinem inneren Auge erschien: Dort sind die Schüler weißer Hautfarbe in der Minderheit. Doch keinem ihrer nichtweißen Klassenkameraden käme es in den Sinn, sie deshalb scheel anzugucken oder gar anzupöbeln oder Schlimmeres zu tun. Die métissage und ein aufrichtig gelebter Multikulturalismus (welch ein entsetzliches Wort) sind hier bei uns doch tatsächlich gelebter Alltag, allen beunruhigenden Fassadenerfolgen des Rassemblement national auch auf Réunion zum Trotz. Der aufrechte Menschenrechtler M. Luther King und der menschlich so einfühlsame Dichterfürst L. S. Senghor, die Pascal Reine-Adelaide so treffend anführt, haben also vielleicht doch noch eine Chance, Recht zu behalten, zumindest mancherorts …
Merci pour votre lecture et votre intérêt pour ce texte qui arrive à un moment où effectivement les menaces et les faits racistes se font de plus en plus nombreux en Allemagne, mais plus généralement en Europe. Travaillons à un monde meilleur et plus bienveillant !
Dieses Thema interessiert mich sehr, besonders, weil ein guter Freund von mir sehr davon betroffen ist. Er ist in Guinea geboren und als Jugendlicher über den Senegal nach Frankreich und schließlich nach Deutschland gekommen, hat Abitur gemacht und Medizin studiert. Er arbeitet seitdem im sozialen Bereich, spricht perfekt Deutsch und Französisch und hat die deutsche Staatsangehörigkeit. Er sagt mit großer Inbrunst: Ich bin Deutscher! Ich bin Deutschland sehr dankbar für meine Möglichkeiten und mein Leben hier!
Seit einigen Jahren erlebt er zunehmend Diskriminierung in der Öffentlichkeit, auch bei Behördengängen, die er beruflich bedingt mit behinderten Menschen machen muss. Seine schwer kranke Frau muss häufig in stationäre Behandlung ins Krankenhaus. Auch dort wird er häufig vom Personal offen fremdenfeindlich behandelt. Schade, dass Ihr Artikel nur auf Französisch erschienen ist, meine Kenntnisse sind leider sehr „bescheiden“ und ich kann den Inhalt nur sinngemäß verstehen – aber das Lesen war eine gute Übung!