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Berlin

Future capitale verte ?

Adrienne Rey

Tegel Projekt GmbH / Uli Oesterle

7 septembre 2022

Face à la multiplication des épisodes de grande chaleur et incendies de forêt, les capitales européennes doivent apprendre à s’adapter. À Berlin, de nombreux projets urbanistiques mettent ainsi la nature à l’honneur et préfigurent la ville verte de demain.

Avec ses forêts et ses lacs environnants, ses 2500 parcs, ses nombreux jardins partagés et ses quelques 430.000 arbres, Berlin est l’une des capitales les plus vertes d’Europe. Une récente étude conduite par le site comparateur NerdWallet, classe la ville allemande en deuxième position, juste derrière Londres et devant Vienne.

© dokdoc

L’arbre, acteur majeur de la lutte contre le réchauffement climatique

Dans un contexte de réchauffement climatique et de grandes sécheresses, végétaliser les espaces citadins et reverdir le béton est désormais primordial. Empêchant le phénomène d’îlots de chaleur urbains ou filtrant la pollution atmosphérique, décuplée lors des épisodes de canicule, les arbres doivent devenir les acteurs essentiels de la ville de demain.

C’est du moins l’avis de Sonja Knapp du Centre pour la recherche environnementale Helmholtz de Halle. Invitée au micro de la radio RBB24 en juillet 2022, la chercheuse plaide pour une diversification des essences plantées et pour une protection accrue des spécimens déjà existants, rudement éprouvés par les grandes chaleurs de cet été. Rappelant le rôle capital joué par la végétation pour rafraîchir nos villes, Sonja Knapp a également tenu à souligner l’intérêt des toits végétaux et des plants grimpants sur les façades qui permettent de réduire la chaleur à l’intérieur des logements : « un toit végétal ne dépasse pas les 25 degrés tandis que la température peut avoisiner les 70 avec un revêtement classique ».

Un toit végetal réduit la chaleur à l’intérieur des logements… © Unsplash

Une politique de la ville encore à la traîne

Si la ville compte déjà plusieurs façades et toits végétalisés, l’adoption par le Sénat de Berlin en 2016 du « Stadtentwicklungsplan Klima » (le Plan d’urbanisme pour le climat) devant préparer la capitale à mieux affronter les périodes de canicule ne semble pas avoir eu les effets escomptés. D’après le Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland (la Fédération allemande pour l’environnement et la protection de la nature), Berlin continue en effet à perdre en moyenne 1000 arbres de rues chaque année.

…ainsi que des plants grimpants. © Unsplash, Pelayo Arbués

De l’avis de nombreux observateurs, les plans d’urbanismes et les nouvelles constructions n’intègrent pas suffisamment la réalité du réchauffement climatique. Inauguré en 2020, le Humboldt Forum, qui n’en est d’ailleurs pas à sa première polémique, n’échappe pas à la critique : conçue sans aucun point d’ombre, sa place centrale est un « désastre » pour Nina Lerch, députée SPD de Berlin.

A droite comme à gauche, des voix s’élèvent pour dénoncer le manque d’ambition en matière de construction et d’aménagement verts. Danny Freymard, député CDU à la chambre de Berlin, estime que le Sénat berlinois devrait prévoir un budget centralisé – le seul moyen de mener une politique ambitieuse. Stephan Taschner, député écologiste (Die Grünen) souhaiterait quant à lui que de nouvelles règles de construction soient édictées et que la coordination entre les différentes administrations (environnement, bâtiment) soit réellement instaurée.

Cependant, alors qu’une réponse politique d’ampleur se fait encore attendre à Berlin, de grands projets verts voient déjà le jour.

Le « Tegel Projekt »  esquisse la ville verte du futur

Après des années de reports et alors qu’une grande partie des Berlinois s’opposaient à sa fermeture, l’aéroport de Tegel a finalement cessé son activité en novembre 2020. Sélectionné par la ville de Berlin face à d’autres projets concurrents, le « Tegel Projekt » et son ambitieux programme de réaménagement prévoit la création, sur les 800 hectares du site, d’un parc industriel et de recherche baptisé « Urban Tech Republic (Berlin-TXL) ».

Il pourra accueillir jusqu’à 1000 entreprises, ainsi qu’un quartier résidentiel de 5000 appartements, tandis que l’ancien terminal hébergera le nouveau campus de l’Université des sciences appliquées Berliner Hochschule für Technik (BHT). Écologique et durable, ce projet fait la part belle aux mobilités douces, au végétal et aux matériaux naturels, à commencer par l’éco-quartier Schumacher qui devrait devenir « le plus grand quartier résidentiel du monde construit tout en bois », comme s’en réjouissait auprès de la Deutsche Welle, la radio internationale allemande, l’ancien directeur général du Tegel Projekt, Philipp Bouteiller, en juin 2021. Dans une optique de coopération régionale et éco-responsable, le bois sera entièrement fourni par le Land limitrophe du Brandenbourg.

Un éco-quartier aux nombreuses retombées écologiques

Ce quartier résidentiel mettra également en pratique les préceptes de la « ville-éponge », une méthode d’urbanisme qui permet une meilleure absorption de l’eau en prévenant les risques d’inondation liés à l’imperméabilisation des sols et lutte contre le phénomène d’îlots de chaleur. « Ainsi l’eau de pluie est utilisée et stockée par le quartier, rien n’est jamais gâché », explique Constanze Döll, l’attachée de presse du Tegel Projekt, « lorsqu’il fait chaud, l’eau qui s’évapore refroidit le lieu et si, au contraire, elle s’infiltre elle nourrit la nappe phréatique. Ainsi, le climat peut se réguler localement. » L’écologiste Wolfgang Weisser et l’architecte paysagiste Thomas Hauck conçoivent quant à eux des espaces ouverts selon la méthodologie de l’Animal-Aided Design (ADD) qui intègre les besoins de la faune locale. Support de biodiversité, le Schumacher quartier pourrait ainsi devenir un refuge pour les chauves-souris ou les sauterelles qui prospèrent dans cette région de lacs et de forêts.

Mais autant d’innovations ont un coût : évaluant à 75 % la part d’investissements privés, auxquels s’ajoutent des fonds publics, Philipp Bouteiller espère générer près de 8 milliards d’euros d’investissements dans les phases initiales de développement. En effet, si les premières habitations sont attendues à l’horizon 2027, plusieurs décennies seront nécessaires pour voir l’aboutissement du projet. Ce qui n’est pas sans susciter les craintes de certains média allemands. Dans les colonnes du Tagespiegel, le journaliste Ralf Schönball ironise sur les grands projets berlinois qui ont viré au fiasco ou dont les chantiers ont accumulé des retards retentissants : à commencer par le plus récent, l’aéroport international BER dont le feuilleton des mésaventures à tenu une grande partie des Allemands en haleine pendant près de 10 ans.

Créer de véritables oasis urbaines

En attendant que ce projet d’ampleur voie le jour, les quartiers de Berlin rivalisent d’idées pour opérer leur mue végétale et écologique. À Charlottenburg, le quartier du Mierendorff-Insel, entouré par le canal Westhafen au nord, par le canal de liaison au sud et la Spree à l’ouest, a été choisi par les architectes Mario Linder et Philipp Kleihues pour leur projet d’îles arborées. Au nombre de 45, ces mini-oasis urbaines, accessibles en barque, participent à la végétalisation du paysage mais pas seulement. Cultivés selon la technique de l’hydroponie, ces arbres plantés hors sol captent leurs nutriments directement dans l’eau grâce à leur système racinaire et purifient en retour le canal. Cet « Inselpark » dont le coût de réalisation a été estimé à 300.000 euros par les deux architectes n’a pas encore été soumis à la mairie d’arrondissement.

Si Berlin semble encore attendre sa politique de la ville écologique, force est de constater que les nouveaux projets qui fleurissent aux quatre coins de la capitale offrent un premier aperçu de la ville verte qu’elle pourrait devenir.

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